Voilà, c'est fini !

logo IAVoilà, c'est fini ! La saison des interclubs 2017-2018 s'en est allée par-delà les vents audacieux qui soufflent sur les gambits, par-delà la chanson d'automne qui blesse mon cœur de roqueur, par-delà les étoiles qui brillent pour ne pas être mates. Voilà, c'est fini !

Amie lectrice, ami lecteur, vois-tu ma gorge qui se serre, mon teint qui blêmit, ma respiration qui devient difficile ? Observe encore ! Le chagrin inonde mes yeux maintenant. Dans la salle, les échiquiers pourtant si majestueux semblent surannés, brumeux, grisâtres. Les baies vitrées laissent paraître un ciel lourd et pluvieux, mettant en échec l'avènement de la moindre couleur bleue pour le reste de la journée. L'émotion est trop forte, je tourne la tête pour dissimuler les larmes qui ruissellent le long de mes joues à présent. Je retrouve péniblement mes esprits quand, à ma stupéfaction, je réalise que Liffré D est là au complet, me faisant face. Jean-Pierre, David, Vincent, Cédric, Karine, Emmanuel, Claude et Erwan me sourient affectueusement, comme pour me réconforter. Ma voix, encore sanglotante, parvient à leur dire combien j'ai été fier de combattre à leur côté, combien j'ai été honoré d'avoir été pour cette saison leur capitaine, combien leurs prénoms résonneront longtemps dans ma mémoire...Je perds connaissance quelques instants, à peu près le temps qu'aurait pris une ronde en blitz face à Victor Kortchnoï ou à Judit Polgár, ces illustres compétiteurs que j'aimerai tant imiter. Lorsque je reviens à moi, tout a disparu et tout le monde est parti. Je suis seul tel un roi dépouillé ; seul avec mes souvenirs qui s'entrechoquent au plus profond de mon essence à la fois paisible et guerrière ; seul dans ce vacarme intérieur qui me donne le vertige, comme si je me penchais du haut d'une tour.

Amie lectrice, ami lecteur, entends-tu ce silence assourdissant ? Le pianotage sur les pendules s'est arrêté, les chuchotements ont disparu tout comme le bruit obscur des pièces qui bataillent opiniâtrement. Mais écoute encore ! Perçois-tu ces notes, monocordes et sépulcrales ? Les cathédrales du Royaume Échiquéen de Liffré sonnent le glas ! Cette fois, c'en est trop, la peine me fait perdre la raison ! Je quitte ce lieu assurément trop mélancolique pour le néophyte que je suis. Je cours à perdre haleine, sous la pluie, me laissant guider par le hasard, cherchant quelqu'âme rassurante et bienveillante. Je croise des rois vaincus naguère, dont les abdications m'avaient rempli de fierté. Je reconnais au loin des moments d'amitié et des sourires complices partagés à l'Open International de Liffré. Ici et là, me parviennent les échos d'éclats de rire tout droit venus du championnat TC 35 et de l'Open de Domloup. Cela me réchauffe le cœur ! Je poursuis mon chemin, cependant, mon pas est devenu lent, approximatif. Je suis exténué.

Amie lectrice, ami lecteur, peux-tu me venir en aide ? Je suis totalement égaré, ce royaume est si vaste ! Rends-toi compte, sa superficie et sa renommée sont telles qu'elles sont jalousées par les plus grands souverains, pourtant tous drapés d'or et de gloire, de Clovis à Napoléon en passant par Charlemagne et Louis XIV ! Mais la pluie redouble d'intensité, la nuit est tombée et j'ai froid maintenant. Tout d'un coup, je ressens des présences négatives se rapprocher sournoisement de moi. Ce sont des souvenirs cruels : ces duels fratricides vécus avec Erwan, Jérémy, Vivien et Stéphane. Ces abominables ombres me harcèlent, me font souvent trébucher, parfois tomber. Comment briser un tel anathème ? Je ne le saurai probablement jamais. Seul le temps qui passe pourrait éventuellement rendre ces écorchures dérisoires.

Amie lectrice, ami lecteur, peux-tu alerter les secours, car voilà que je suis touché au cœur, presque mortellement. Je m'effondre une ultime fois, je suffoque, je suis à l'agonie. Pendant que je succombe, j'entends qu'on s'agite autour de moi. Ces impitoyables ennemis s'amusent follement. Ils me font subir des enfilades, des clouages, et toutes sortes d'autres supplices. Cette fois-ci, je sens bien que j'arrive en zeitnot et que je n'ai d'autre destinée que de finir échec et mat. Mes yeux sont mi-clos et je m’apprête à lâcher prise lorsqu'une lumière lointaine captive mon attention. Elle est douce, attirante, merveilleuse même. Je reprends espoir ; et puis, il y a cette silhouette féminine qui m'interpelle. Sa voix est aimante, protectrice et possède un joli accent espagnol. Elle me dit : « Debout, mon tendre frère ! Sache que dans l'adversité, un joueur d'échecs digne de ce nom ne baisse pas les bras, mais élabore plutôt un nouveau plan pour combattre encore et encore ». Je me relève donc, laborieusement. Je m'approche de mes adversaires maléfiques toujours occupés à me brocarder. Ils ignorent dédaigneusement ma nouvelle posture. En un tour de main, j'enchaîne attaque-double, déviation et menace de promotion. Mes néfastes opposants prennent alors lâchement la fuite, préférant certainement chercher d'autres novices à tourmenter.

Amie lectrice, ami lecteur, as-tu une idée de ce qui brille ainsi à travers le royaume, à la manière de Sirius qui scintille à travers la voie lactée ? J'avance à nouveau, je retrouve une allure plus vive. Mon pas reprend de l'assurance. Je ne suis plus qu'à quelques coups de cavalier de cette délicieuse lumière. Je repense à cette dame qui tout-à-l'heure m'a permis de me délivrer de ces horribles bourreaux. Elle doit certainement veiller sur les joueurs d'échecs, je ne l'ai même pas remerciée ! J'arrive enfin à cet endroit si lumineux. Il me semble chaleureux, presque familier. Je reprends mon souffle. Mon attitude est devenue distinguée, presque suffisante, je suis à l'intérieur d'un prodigieux bâtiment qui semble être un palais ou un édifice royal. Je traverse de larges corridors et de grands salons qui me conduisent irrésistiblement vers une pièce où j'entends un peu de bruit. Je m'en approche silencieusement, je comprends que, à l'intérieur, ce sont des chevaliers d'élite qui s'entraînent. Je me décide à frapper, j'ouvre la porte, j'entre. Le cours de Kévin va bientôt débuter. Vivien, Margot, Noémie, Jérémy, Erwan, Stéphane, Antoine, Anne, Dominique et Jean-Pierre ne paraissent pas surpris de me voir, ignorant certainement l’odyssée que je viens de vivre. Je ne leur dis rien, craignant qu'ils ne me prennent pour un grand fou ! Je retrouve finalement mon calme naturel, ne voyant parmi eux que de bons camarades, des amis et des frères. Il faut vite se mettre au travail : assimiler les règles de base, chercher les meilleurs coups, s'entraider pour s'améliorer ensemble...car de nouvelles aventures en équipe auront lieu dès la saison prochaine !

Amie lectrice, ami lecteur, encore ces quelques mots pour faire part de ma gratitude à tous ceux qui donnent de leur temps et de leur énergie pour que tous, petits et grands, partagions ces beaux moments autour de ces énigmatiques cases noires et blanches. Merci Anne, merci Dominique, merci Laëtitia, merci Jean-Pierre, merci Éric, merci Hélène, merci Jérome, Merci Antoine, merci Erwan, merci Dorian, merci aux arbitres, merci à celles et ceux que j'ai oublié... et merci Kévin !

Merci à toi aussi, amie lectrice, ami lecteur, qui es parvenu courageusement à me suivre jusqu'ici.