C'était avec un plaisir de tous les instants que la Liffré team s'est ENFIN retrouvée en compétition, avec toutes les générations représentées ou presque ! Après un entraînement intensif via Internet pendant plusieurs mois, la vie a su reprendre son cours pour le meilleur grâce à ce premier open en présentiel. Les cerveaux en ébullition, nous ne pouvions qu'être enthousiastes à l'idée de reprendre et nous remercions le club de Domloup d'avoir inauguré cette reprise de fort belle manière. Nous étions 110 joueurs sur 6 tournois de A à F. La "grande" salle de Domloup était donc une nécessité pour accueillir la compétition.
La retenue et le spectre du COVID faisaient que nous ne procédions pas encore aux embrassades les plus chaleureuses, mais le coeur y était.
Pendant 5 rondes, dont 3 le samedi et 2 le dimanche, nous avons lutté. Il est souvent ressorti que les Nationaux et les Estimés en avaient sous le pied. Deux possibilités : soit il y a eu une nouvelle dynamique pour les échecs pendant le confinement, soit on vieillit et notre cerveau se ramollit. On verra en septembre en espérant un boost des effectifs dans notre club, mais aussi tous ceux des clubs du département.
Il est à noter que Liffré s'est particulièrement fait remarquer à la dernière ronde avec des combats titanesques qui s'annonçaient !!!! Et c'est sur cette dernière que nous nous attarderons aujourd'hui, en espérant qu'Olivier et Jean-Pierre, grands sages aux yeux marron, me pardonneront cette offense. En effet, 3 derbys Liffréens avaient lieu en même temps, et pas des moindres : Manuel contre David dans l'open F, Stéphane contre Jehan dans l'open E, Jérémy contre Guillaume dans l'open C.
Le petit 1002 F que j'étais piaffait comme un Fou à l'idée d'aller de table en table, et pour la première fois, je n'avais pas envie de faire ma ronde mais d'aller regarder ces trois tables tour à tour, un peu comme une coupe du monde de foot. D'ailleurs, c'est ce que j'ai fait, je ne me suis pas gêné malgré les sueurs froides que m'a donné ma partie, mais que j'ai finalement gagnée à un fil. Alleluiah !
Pour la finale de l'open F, Manuel, c'est un peu comme les ninjas. A travers son mystère et sa discrétion, nous pouvons nous retrouver désarmés car il ne laisse rien passer dans son jeu. Calme et posé, il a su encore donner du fil à retordre à David, lion débordant de vitalité avec un regard tellement perçant, vif et bleu qu'on pourrait s'y noyer, emporté dans les abysses. A mes passages réguliers, l'amateur d'échecs que j'étais voyait un jeu fermé, rapproché, où tout semble verrouillé. Il s'avérera que ce verrouillage continuera jusqu'à la fin avec une Tour et une rangée de pions de chaque côté. "Une vraie nulle !", dira David, visiblement satisfait de la partie d'envergure qu'il a jouée, sans solution aucune pour percer la défense de l'adversaire.
Passons à la finale de l'open E, Jehan s'opposait au grand Stéphane qui ne comptait certainement pas laisser la victoire à son jeune adversaire, pas aussi près du but. Là encore, un jeu serré. Pourtant, Stéphane tente une feinte sur son adversaire en mimant un sacrifice. Jehan en a été quelque peu déstabilisé. La fin de partie tourna à l'avantage de Stéphane, mais il a fallu s'appliquer jusqu'au bout. Ses yeux d'un bleu perçant ont eu raison des tactiques de Jehan, quasi invaincu jusqu'à présent.
Dans l'open C, là où les brasiers de l'Enfer deviennent suffocants, deux joueurs aux philosophies de jeu différentes croisaient le fer. Jérémy contre Guillaume ! Rien que ces deux noms suffisait à faire frémir d'horreur n'importe quel spectateur prenant le risque d'effleurer du regard leur partie ! Erwan, reporter de choc, a pris ce risque pour vous servir. Il a approché prudemment. Jérémy lève les yeux de l'échiquier. Erwan plonge alors à terre pour éviter de justesse la pétrification. Il s'en est fallu de peu. Les lunettes juste au-dessus de la table, un spectacle effarant prit Erwan aux tripes ! Le Roi de Jérémy était sur la troisième ligne, déroqué !!! Mais comment cela a-t-il pu être possible ? Quant à Guillaume, son roi avait roqué, tranquillement. La maîtrise des ouvertures avait-elle eu le dessus sur la tactique innée du prodigieux mélange onomastique de Fou et de Tour que représente Jérémy à lui seul ? Las, je retournai à ma partie, la partie qui s'annonçait titanesque ne va-t-elle être qu'un pétard mouillé ? Non, ce n'est pas vrai, deux joueurs avec tant de fougue ne peuvent pas faire un jeu si unilatéral ? Une fois de retour sur cette table 5 de l'open C, l'incroyable arriva ! En approchant, Guillaume, les bras ballants sur sa chaise, regarde un point fixe de la salle, il semblait dire : "Mais allez, joue ton coup, je suis foutu de toute façon..." Et en effet, en approchant, Jérémy a un cavalier d'avance, saisit sa Dame et annonce un "Echec" tonitruant tout en menaçant la Dame adverse. Guillaume n'a d'autre choix que de prendre pour annuler l'échec... Puis Jérémy, armé de son cavalier d'avance, amorce sans discontinuer la marche de ses pions avec le Roi qui les accompagne. Guillaume ne pourra pas stopper leur destinée, inéluctable, jusqu'à la promotion. Il couche alors son Roi, esquisse un sourire avec une lueur de sympathie dans ses yeux, également bleus.
Moralité de l'histore : Avoir les yeux bleus pour être premier sur le podium est un bel atour et un bel atout, mais il faut aussi avoir les yeux bleus pour apprendre de ses défaites et se trouver de nouveaux objectifs, de nouvelles étapes pour vaincre l'adversaire. Les yeux verts sont souvent en pleine ascension quant à eux, mais il leur manque encore le petit truc pour progresser de façon exponentielle, ils sont certes sur le point de trouver le Graal. Et les yeux marron doivent redoubler d'efforts, encore et toujours, mais ils veillent au grain, en fins observateurs qu'ils ont toujours été. Finalement, dans ces conditions, ne faut-il pas jouer simplement à l'aveugle ? Telle est la question...
La joie que nous aurons à célébrer ces victoires dans la bonne humeur après la remise des prix marquera nos esprits, après tellement de jours de séparation. De tels moments suspendus méritent alors d'être contemplés à l'image d'une métaphore filée. Que ce soit sur Lichess ou en présentiel, les liens qui nous unissent vont au-delà du simple "coup d'oeil", et c'est une évidence, nous ne pouvons pas fermer les yeux là-dessus. Vivement septembre !